Chronique : Les bancassureurs européens repartent à l’offensive

Face à des conditions de marché favorables et à une réglementation incitative, les grandes banques européennes relancent activement leurs ambitions dans le modèle de bancassurance.
Soutenues par la revalorisation des marchés et des niveaux de capitalisation confortables, elles multiplient les initiatives de croissance organique et externe, notamment via leurs filiales d’assurance. Ce regain d’intérêt repose sur des avantages clairs : diversification des revenus, alignement stratégique et traitement réglementaire avantageux.
Le modèle intégré permet aux banques de renforcer leur rentabilité tout en maîtrisant les produits d’assurance de bout en bout. La distribution croisée, notamment dans la vie et la prévoyance, accroît la fidélité des clients et optimise l’usage des canaux bancaires. Par ailleurs, les filiales d’assurance bien gérées offrent des rendements sur fonds propres à deux chiffres, avec un niveau d’endettement interne plus faible que pour les activités bancaires classiques. La montée en puissance des produits en unités de compte limite également les exigences en capital.
La réforme finale du règlement sur les exigences de fonds propres ou Capital Requirement Regulation (CRR), entrée en vigueur en janvier 2025, pérennise le “compromis danois” qui permet aux banques européennes d’appliquer un coefficient de risque plutôt qu’une déduction complète sur leurs investissements dans les assureurs. Cette exception réglementaire renforce la compétitivité des bancassureurs européens par rapport au standard Bâle. En parallèle, les exigences de capital des conglomérats financiers (FiCos) ont été ajustées, réduisant encore le coût réglementaire de ces participations.
De récents exemples illustrent cette tendance : BNP Paribas prévoit d’acquérir AXA IM via sa filiale Cardif ; Banco BPM a racheté 90 % d’Anima par sa branche assurance ; et Piraeus Bank a annoncé l’acquisition d’Ethniki Insurance. Ces opérations témoignent d’une volonté stratégique d’expansion, tout en capitalisant sur la réglementation favorable. Toutefois, elles ne sont pas sans risque, notamment sur le plan de l’intégration technologique ou de la rentabilité réelle après acquisition.
S&P Global Ratings rappelle néanmoins les défis structurels de la bancassurance. Les groupes bancassureurs partagent des expositions importantes aux dettes souveraines, à l’immobilier et aux marchés d’actions. Une crise sur l’un de ces marchés pourrait simultanément affecter les deux volets du groupe, limitant la capacité de réaction. La gestion des risques doit donc être pleinement intégrée et adaptée à cette double réalité bancaire et assurantielle.
Enfin, le levier double utilisé dans ces structures – consistant à maximiser les effets de la réglementation sur le capital – peut amplifier les pertes en période de crise. Des précédents comme SNS Reaal soulignent le danger d’une trop forte interdépendance entre banque et assurance. Bien que le modèle soit attractif, il requiert une rigueur accrue en gouvernance, conformité et supervision pour en tirer tous les bénéfices sans accroître les vulnérabilités systémiques.
Olivier Karusisi Directeur délégué
À voir aussi

Chronique : Les groupes d’assurance généralistes mondiaux maintiennent une performance solide

Chronique : Les bancassureurs européens repartent à l’offensive

Dettes hybrides : Un usage optimisé chez les assureurs européens

Assurance européenne : L'optimisme reste de rigueur