Dettes hybrides : Un usage optimisé chez les assureurs européens

CHRONIQUE - Les instruments de dettes hybrides, qu’ils soient classifiés dans la nomenclature Solvabilité 2 en Restricted Tier 1 (RT1), Tier 2 ou Tier 3, permettent aux assureurs de diversifier leur structure de financement et d’améliorer leurs coussins de capitaux et de liquidité.
A fin 2023, ils représentaient environ 18% des fonds propres des assureurs sous Solvabilité 2, et 13% du capital total ajusté (Total Adjusted Capital, ou TAC) tel que calculé par S&P Global Ratings.
Les instruments classifiés Tier 2 restent les plus usités car moins onéreux et bien connus des investisseurs. S&P Global Ratings s’attend cependant à ce que lors des prochaines maturités, une partie de ces instruments soit remplacée par des RT1 afin de maintenir une large capacité d’émission de Tier 2 pour des périodes potentiellement plus difficiles. De même, l’émission d’instruments RT1 sera probablement soutenue par l’arrivée à échéance de plusieurs instruments Tier 1 hérités de la période pré-Solvabilité 2. En 2024 par exemple, La Mondiale, AXA, ASR Nederland, NN Group, Gjensidige, et SCOR ont émis des RT1, suivis par Achmea BV, Storebrand ASA et Crédit Agricole Assurances début 2025.
Les instruments Tier 3 sont plus intéressants pour les investisseurs du fait de leurs courtes maturités - souvent de cinq ans - et de leur faible risque de report. Leur importance sur les marchés est cependant plus modeste, notamment car la perspective qu'ils soient inclus dans le capital calculé par S&P Global Ratings demeure faible. De plus, une capacité d'émission de Tier 3 non utilisée pouvant être remplacée par des actifs d'impôts différés sous Solvabilité 2, les assureurs ont tendance à limiter leurs émissions de Tier 3 pour garder cette option disponible.
L’utilisation actuelle des instruments hybrides reste bien inférieure aux montants disponibles : en moyenne, 60% du capital hybride autorisé par la réglementation n’est pas émis, avec de larges variations selon le type d’assureur : les dettes hybrides sont beaucoup plus utilisées par des assureurs sensibles à l'optimisation de leur coût du capital et de leur rentabilité, et relativement rares chez les assureurs mutualistes. Bien que S&P soit typiquement plus conservateur sur l’inclusion des hybrides dans les fonds propres, et la limite à certains seuils selon leurs caractéristiques propres, la capacité d’émission restante sous ces contraintes demeure cependant conséquente, à 40% en moyenne.
Cette limitation des émissions s’explique par plusieurs raisons : tout d’abord, et alors que l’utilisation totale de la capacité d'émission pourrait augmenter le ratio de solvabilité des assureurs d'environ 60 points de pourcentage, la plupart des acteurs sont déjà satisfaits de leur niveau de solvabilité actuel. Certains pourraient même diminuer la part des dettes hybrides pour gagner en flexibilité financière ou optimiser leur coût de financement et ceci d'autant plus que les réformes envisagées du régime Solvabilité 2 devraient alléger la contrainte capitalistique de certains émetteurs.
Un deuxième frein à l’utilisation des dettes hybrides est la hausse de l’endettement des assureurs qui en découle et peut altérer leur qualité de crédit. S&P Global Ratings peut ainsi pénaliser un assureur si son ratio de levier financier dépasse un seuil de 40%, ou si son EBITDA couvre ses charges d'intérêts par moins de 4 fois. Si l’entièreté de la capacité d’émission était utilisée, le ratio de levier financier des assureurs serait augmenté de 20 points de pourcentages, et dépasserait probablement le seuil fixé pour de nombreux acteurs. Il est cependant utile de préciser qu’un ratio supérieur à 40% n'entraîne pas mécaniquement un avis négatif sur la structure de financement, notamment si d’autres éléments de solvabilité sont disponibles mais exclues du calcul du ratio, tels que par exemple que la Marge de Service Contractuelle (CSM) dans le cadre comptable IFRS 17. Bien qu’utiles dans l’optimisation de la structure capitalistique, les dettes hybrides sont donc à utiliser avec mesure pour conserver un endettement maitrisé.
Oriane Peyredieu du Charlat, sur la base de l’article « Balancing Act: Hybrid Capital Usage Among European Insurers” publié par S&P Global Ratings en mars 2025.
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